L’éclairage public en mutation
Une infrastructure qui se développe sous contrainte
On dénombre 9 millions de points lumineux en France et près de 300 millions dans le monde avec en outre la perspective d’une croissance urbaine portée, notamment, par les nouvelles puissances économiques, telles que la Chine, l’Inde, le Brésil
ou l’Afrique du Sud. Le rôle structurant du service de l’éclairage public (l’infrastructure et sa gestion) pour l’urbanité d’aujourd’hui et de demain peut être apprécié par son « importance matérielle». Si l’idée d’« éclairer juste » implique que son impact sur le territoire soit minimisé, il s’agit bien d’un patrimoine en propre, à la fois matériel et financier de la collectivité, hérité, à préserver et valoriser.
Mais c’est surtout par son adéquation aux attentes exprimées par les collectivités et par la manière de le faire fonctionner que son rôle majeur sera renforcé. L’évolution qu’a connue l’infrastructure depuis près de deux décennies suit en effet une double dynamique. Parce que relevant des services énergétiques, la maîtrise de son impact environnemental — baisse de la consommation, réduction des émissions carbonées, limitation de la pollution lumineuse — est un objectif direct de la rénovation ou de l’extension des installations.
Parallèlement, on attend de l’éclairage une contribution plus positive au développement durable, en lien notamment avec des plans de déplacements urbains qui impliquent la création de nouveaux axes de circulation (pistes cyclables et parcs de stationnement associés, voies piétonnes), le renforcement de l’offre de transport collectif (tramway) ou plus écologique (véhicule électrique), la reconfiguration d’un « espace public partagé » générateur d’information et de communication (panneaux d’information, Hot Spot Wi-Fi) voire d’interactivité (le promeneur informe le système d’éclairage). Cela induit une croissance du nombre d’équipements installés directement liés à l’éclairage (points lumineux, supports), mais aussi une nouvelle disponibilité du réseau d’éclairage public pour d’autres équipements que le seul candélabre.
Les « prés requis » de la gestion des services locaux liés au réseau d’éclairage.
Un certain nombre de « pré requis » [cf. Commissariat général au développement durable, Études et documents, n° 73, novembre 2012], valables pour l’évolution de l’éclairage lui-même, mais aussi, pour les « extensions » sur le réseau qui tendent à se démultiplier ont été identifiés :
- la compatibilité avec la préservation des ressources de la planète et plus particulièrement les économies d’énergie et les émissions de CO2 ;
- les exigences de sécurité, continuité et qualité du service public ;
- une préoccupation majeure en matière de maîtrise de la dépense publique, avec un enjeu « central » concernant « l’investissement » ;
- un questionnement sur la possibilité d’appropriation (propriété, opérationnalité, maîtrise technologique) par la collectivité, notamment quand il s’agit d’un service délégué.
Ces « prérequis » correspondent aux termes d’une équation complexe dont la résolution ne relève pas exclusivement de la technique, même si la montée en puissance des technologies de l’information et de la communication qui s’opère depuis le milieu des années 1990 a déjà fait la preuve qu’elle peut apporter des solutions. Il sera surtout question ici des réponses techniques permettant de résoudre cette équation. Tout en rappelant que ces réponses sont en lien avec une approche globale du service privilégiant le long terme et caractérisée par des engagements de performance, concrètement mesurables, à l’appui desquels sont mobilisées ces solutions.
Exemples de problématiques et réponses techniques
Agir sur les caractéristiques des équipements : le potentiel de la LED
Aujourd’hui, comme le souligne à nouveau l’ADEME en 2013, la modernisation du seul parc français, au regard en particulier des objectifs environnementaux, est loin d’être réalisée. Cependant, les collectivités sont attentives au renouvèlement des équipements, en particulier des sources lumineuses, en lien notamment avec les critères de moindre consommation énergétique. Du reste, les lampes à incandescence seront prohibées à horizon 2015 à l’échelle de l’Europe.
Les années 2000 ont vu la montée en puissance de la technologie LED, sur laquelle se fondent beaucoup d’espérances. Désormais, elle s’impose dans le domaine des mises en lumière, ce d’autant plus qu’elle offre des potentialités remarquables sur le plan esthétique, dont notamment celle de faire évoluer la manière dont elles sont composées, en articulant scénarios fixes traditionnels et scénarios dynamiques. Du fait de ses composants électroniques, elle s’intègre en revanche assez aisément à des dispositifs télé gérés de régulation et de pilotage du réseau.
Agir sur l’interface équipement/réseau : la télégestion au point lumineux
Le fait d’agir plutôt sur les performances du réseau d’éclairage public est désormais considéré comme aussi, sinon plus, judicieux que l’amélioration de la qualité des matériels. La télégestion au point lumineux consiste à utiliser le réseau d’éclairage pour déployer un système de communication de type Intranet pilotant l’ensemble de l’infrastructure à distance, au moyen d’un boitier électronique positionné sur le candélabre ou sur l’armoire de commande et connecté à un terminal informatique.
Cette solution répond d’abord à un objectif d’économies d’énergie pour un niveau de résultat pouvant atteindre jusqu’à 30 %. Sa mise en service assure a minima (mode dit « light ») une régulation à la source lumineuse (candélabre ou armoire) par variation de puissance. Le mode « télégestion » permet également d’agir sur la pollution lumineuse (modulation et territorialisation des niveaux d’éclairement) et la réduction des émissions de CO2 grâce à la diminution des déplacements liés aux interventions de maintenance. Toutefois, le dispositif de télégestion fonctionne lui-même sur alimentation en électricité et génère donc une consommation en propre.
L’aspect « sécurité, continuité et qualité du service public » repose sur la conformité aux normes régissant l’éclairage et les réseaux de communication. Opérationnellement, le système de télégestion contribue à améliorer les qualités fonctionnelles des installations (durabilité des sources, etc.) et surtout à optimiser les opérations d’exploitation et de maintenance (réactivité, continuité, prévention, sécurisation des intervenants). Cette approche de la maintenance est également à l’origine d’une solution informatique de la maintenance (GMAO, gestion de maintenance assistée par ordinateur).
Les deux outils, dans leur version la plus récente, sont interconnectés et ils peuvent être mobilisés, à l’amont du système, pour l’élaboration de stratégies globales de gestion de l’infrastructure lumière et des services associés, telles que les Schémas directeurs d’aménagement lumière — le SDAL est un outil de diagnostic et de préconisations d’ordre technique concernant les installations (conformité aux critères de service public, état de fonctionnement, performances) qui s’articule au projet urbain de territoire.
- L’hypothèse d’une plate-forme multi-équipements
Pertinence technique (régulation du réseau, interface électronique), prise en compte des besoins (économies d’énergie, maîtrise budgétaire, service public, appropriation) du maître d’ouvrage comme de l’exploitant : à partir de ces « acquis », il est envisageable de greffer sur le réseau d’éclairage public une multiplicité d’équipements qui seront à la fois alimentés et mis en communication.
On peut en effet constater que le réseau d’éclairage public est actuellement sous-exploité, puisqu’il ne fonctionne que durant un temps limité de la journée. On peut envisager ainsi d’utiliser l’énergie pour les besoins d’autres équipements que le candélabre, et ce sans générer de consommation supplémentaire. Par ailleurs, étant donné que le réseau maille très densément le territoire, il devient possible d’implanter de nouveaux équipements à partir d’une infrastructure existante avec laquelle, qui plus est, les gestionnaires du service public (collectivité, entreprise délégataire) sont déjà familiarisés. Les coûts de l’installation et du service sont ainsi limités pour le propriétaire, tandis qu’il évite d’accroître l’emprise déjà forte de l’infrastructure sur le territoire (la voirie) et le génie civil. La bascule de la solution originelle vers la plate-forme multi-équipements est, notamment, liée au mode « télégestion » : le pilotage en temps réel des équipements installés est facilité par l’interfaçage à un logiciel de supervision permettant d’avoir une vue précise de l’état des installations et de leur consommation énergétique.
Le déploiement du dispositif présente ainsi l’avantage :
- de limiter le coût d’investissement (pas de coût d’infrastructure, intégration à une architecture technique existante) ;
- de maintenir la performance environnementale ;
- d’être techniquement compatible avec tout type de borne de recharge pour véhicule électrique ;
- d’être attractif auprès de l’usager.